Alexis Boisset

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L’histoire d’Hachiko, le chien fidèle qui attendit son maître à la gare de Shibuya pendant dix ans après sa mort, m’émeut profondément. Derrière cette fidélité bouleversante, il y a une question essentielle : les animaux ont-ils conscience de la mort ?

Des chercheurs, comme Emmanuelle Pouydebat dans Les oiseaux se cachent-ils pour mourir ?, explorent aujourd’hui cette idée à travers la thanatologie animale — l’étude des comportements face à la mort.
Des éléphants caressant les os de leurs morts, des corneilles criant autour d’un congénère décédé, des orques portant longtemps leur petit sans vie… autant de gestes qui traduisent des émotions complexes, peut-être comparables à nos deuils humains.

Chez les chimpanzés aussi, la tristesse est palpable : Jane Goodall a observé Flint, un jeune singe mort quelques semaines après sa mère, comme s’il avait refusé de continuer à vivre sans elle.
Comment ne pas être touché par ces comportements ? Ils disent quelque chose de notre propre humanité.

J’ai souvent ressenti, à travers mes œuvres, cette proximité émotionnelle entre l’homme et l’animal, cette même vulnérabilité face à la perte, à la peur, à la finitude. Nos destins sont liés. Et pourtant, nous persistons à traiter le vivant comme une ressource, non comme une conscience.

Quand je peins un animal, je ne cherche pas seulement à représenter une espèce : je cherche à rendre visible ce lien invisible, cette présence fragile qui partage avec nous la même angoisse, la même tendresse, la même peur de disparaître.
Comprendre que les animaux ressentent la perte, c’est accepter qu’ils vivent pleinement, qu’ils aiment, qu’ils souffrent. Et c’est peut-être à partir de là que peut naître une autre forme de respect.

“Il est urgent de changer notre regard sur eux”, écrit Emmanuelle Pouydebat.
Je partage profondément cette conviction.
Chaque regard, chaque toile, chaque geste artistique peut participer à ce changement.